Organisé par le Mémorial de Verdun – Champ de bataille, le festival Passeurs d’Histoire est une nouvelle manifestation qui, gageons-le, devrait très rapidement se révéler incontournable. Moins compilation de conférences consacrées à l’histoire que rencontres réunissant professionnels et grand public autour de la question, éminemment cruciale, de la transmission de l’histoire, cette heureuse initiative explorera avant tout les supports, des plus classiques au plus innovants, du livre aux jeux vidéo en passant par les podcasts, les musées et le cinéma, sans oublier, bien entendu, la salle de cours. Or il y a là un enjeu essentiel pour notre discipline, enjeu qui dépasse de loin les sempiternelles polémiques autour du Puy du Fou[1]. Lorsqu’en 2013, A. Prost explique aux enseignants du secondaire, à l’occasion d’une journée d’études organisée en Sorbonne par la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale, que le principal écueil à éviter à l’occasion de ces commémorations est le piège d’un départ en août 1914 « la fleur au fusil », mythe pourtant déboulonné dès 1977 par J.-J. Becker, il résume parfaitement les données du problème[2]. Si la France dispose, quoi qu’on en dise, d’une solide production historiographique, elle peine en revanche à assurer la circulation des savoirs en dehors des amphithéâtres universitaires et la transmission au plus large public. D’où l’intérêt du festival qui se tiendra à Verdun du 7 au 10 novembre 2024.
Riche et variée, la programmation permettra d’entendre l’historien P. Boucheron, d’interroger la transmission de la mémoire de la guerre d’Algérie via le théâtre, mais aussi d’assister aux avant-premières des films de Justine Boschiero, Jean-Gabriel Périot, Pablo Agüero ou encore Michel Hazanavicius. Mieux, il sera même possible de s’initier au podcast d’histoire avec Fanny Cohen Moreau, productrice du bien connu Passion Médiévistes, et de réfléchir à la création de contenus sur des plateformes comme Youtube, Twitch et Instagram.
Intéressant également sera le propos de Stéphanie Duncan, productrice de la série radiophonique à succès Autant en emporte l’Histoire et parfois accusée de substituer la fiction à la parole des historiens. L’idée, encore une fois, n’est pas de faire le procès de telle ou telle forme d’expression mais d’interroger les possibilités de tous ces registres. À cet égard, on n’hésitera pas à se promener dans l’inévitable salon du livre organisé pour l’occasion et qui permettra de rencontrer des historiens comme M. Bourlet, J.-Y. Le Naour ou D. Tilloi-D’ambrosi ainsi que D. Fouchard, dont on connaît les excellents travaux sur le retour des poilus mais qui sera, cette fois-ci, conviée en tant que romancière.
Programme des journées professionnelles des 7 et 8 novembre 2024 :
Programme des journées ouvertes au grand public du 8 au 10 novembre 2024 :
[1] À cet égard, on pourra lire à profit Besson, Florian, Ducret, Pauline, Lancereau, Guillaume et Larrère, Mathilde, Le Puy du faux. Enquête sur un parc qui déforme l’Histoire, Paris, Les Arènes, 2022, ouvrage qui pose moins une réflexion critique sur ce parc à thème qu’il alimente la controverse à son propos. Par exemple, jamais le volume n’interroge la célébration dans ce parc de Georges Clemenceau, comme si ses racines vendéennes et son statut de vainqueur de la Grande Guerre dispensaient du moindre questionnement. Or il y a sans doute lieu de s’interroger sur la place accordé à ce fervent anticlérical, figure sans doute la plus connue des catholiques français de l’aube des années 1910 avec Joseph Caillaux, par ce parc n’ayant de cesse de mettre en avant les « racines chrétiennes » de la France.
[2] Becker, Jean-Jacques, 1914 : Comment les Français sont entrés dans la guerre, Paris, Presses nationales de la Fondation des Sciences politiques, 1977.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Erwan Le Gall (7 octobre 2024). Passeurs d’Histoire à Verdun. Ar Brezel. Consulté le 13 novembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12fih