Les Jeux olympiques de Paris constituent pour l’histoire du sport une formidable opportunité. Avec cet événement planétaire, des travaux méconnus bénéficient d’une lumière bienvenue, ce dont on ne peut que se réjouir. Certes, demande sociale oblige, parmi les dizaines de publications que l’on a pu répertorier au cours des dernières semaines, toutes ne sont pas nécessairement indispensables[1]. Là est la loi du genre et l’on avait pu observer le même phénomène pendant le Centenaire de la Première Guerre mondiale. Mais tel n’est pas le cas du formidable catalogue de l’exposition Coup d’envoi. La Grande Guerre et les sports collectifs présentée du 27 juin 2024 au 5 janvier 2025 au Mémorial 14-18 de Notre-Dame de Lorette, très beau volume publié par l’ECPAD et que l’on ne saurait trop chaleureusement recommander[2].

Disons en préambule quelques mots de l’objet en lui-même, tout simplement splendide. Servi par une mise en page sobre et efficace, l’ouvrage met magnifiquement en valeur les clichés présentés, images issues des fonds de l’ECPAD mais aussi de la BNF, via les collections de l’agence Rol, de l’Imperial War Museum, du National Army Museum, de la Fédération française de football, des Archives nationales américaines ou encore de collections privées. À l’esthétique de ces compositions répond l’intérêt scientifique d’archives rares ou méconnues permettant de surcroît de répondre à de vieilles lubies du récit mémoriel. Non les Américains n’amènent pas le basket-ball avec eux en débarquant en 1917, la preuve notamment avec ce merveileux cliché pris en 1913 à Saint-Ouen.

On l’aura deviné, l’un des intérêts de ce volume est son éclectisme, puisque de nombreux sports y sont représentés. Il y a bien entendu les incontournables olympiques que sont le football et le basket mais on peut également mentionner le water-polo (p. 12), le hockey (sur gazon, roulettes et glace, p. 14) ou encore le volley-ball (p. 84), et ce bien entendu sans oublier les sports dits américains que sont le baseball (p. 78 notamment) ou le football éponyme (p. 82 notamment). Passionnants sont également les clichés se rapportant au football féminin ; une thématique dont j’ignore tout – je le confesse bien volontiers !! – mais qui me semble très neuve !

Mais ce qui fait la force de ce livre, en réalité, c’est son texte. À la fois ramassé et stimulant, il vient rappeler ce que le développement des pratiques sportives doit à la Première Guerre mondiale – ce qui était attendu au regard du thème de l’exposition – mais aussi aux armées. Or, le volume n’omet pas de rappeler que cette histoire débute bien avant le déclenchement des hostilités. Ainsi, on apprend que l’armée de Terre en France compte, en 1913, 153 associations sportives régimentaires (p. 25). Un fait qui vient souligner combien la caserne, à l’instar de ce que l’on peut du reste observer pour la musique, est un acteur majeur du développement de la culture sportive dans la France des années 1900. Si la thèse sur le sport militaire à la Belle époque reste à écrire, gageons que celui ou celle qui s’attellera à cette enquête ne pourra faire l’impasse sur ce riche volume.

Pour qui s’intéresse aux pratiques athlétiques proprement dites, ce catalogue offre également de belles perspectives en ce qui concerne le matériel. La présence de l’enseigne Spalding, attestée en octobre 1916 avec un cliché figurant des soldats de l’ANZAC (p. 76), ne manquera pas d’interpeller les amateurs de basket et de volley, coutumiers de cette marque. Très intéressants sont également les passages consacrés au sport dans la rééducation des poilus blessés (p. 56-57), thématique qui vient rappeler la double centralité d’une part du sport comme porte d’entrée pour saisir la période, d’autre part des armées pour appréhender la société française d’alors. Bref, on l’aura deviné, il y a là un volume d’autant plus indispensable qu’il est vendu à prix très attractif (18€).

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[1] Pour ne citer qu’un exemple, ce qui n’est certes pas très charitable, De Baecque, Antoine, Sports Belle Époque. Naissance de la passion sportive 1870-1924, Paris, Passés composés, 2024.

[2] Veyssière, Laurent, Coup d’envoi. La Grande Guerre et les sports collectifs, Evry, ECPAD, 2024. Afin de ne pas surcharger inutilement l’appareil critique, les références à cet ouvrage seront dorénavant indiquées dans le corps de texte, entre parenthèses.

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